Quatrième hypothèse

La modélisation comme articulation entre générique et spécifique, entre autonomie et non indépendance

Le principe d'archipélisation tel qu'il est présenté par Framasoft en référence à Édouard Glissant (https://framablog.org/2019/12/10/archipelisation-comment-framasoft-concoit-les-relations-quelle-tisse) permet de penser un réseau décentralisé comme un ensemble d'entités autonomes, mais pas indépendantes. Autonomes car en capacité de faire leur propres choix, mais pas indépendantes parce qu'ayant nécessité de faire ensemble (notamment pour résister aux "continents", c'est à dire aux grosses structures centralisées qui pourraient vouloir

les absorber). Cette structure suppose l'existence et la préservation de spécificités au niveau de chaque instance : chaque île de l'archipel conserve son identité. Or pour que le faire ensemble, que la coopération, fonctionnent (au niveau de l'archipel), il est nécessaire de disposer de modalités génériques d'articulation qui permettent de ne pas tout renégocier a priori à chaque fois. Projeté au niveau technique il est nécessaire que les outils disposent du bon niveau de généricité pour permettre le spécifique à la fois sans imposer un cadre unique autoritaire et sans tomber dans une forme de "babélisation", c'est à dire l'impossibilité pour les instances de bien communiquer entre elles.

La première piste est que chaque instance soit associée à un modèle qui permette de formaliser ses règles propres afin de les rendre :

- explicites et humainement compréhensibles ;

- manipulables et mécaniquement calculables.

La seconde idée est que, afin que les instances soient articulables a priori, l'on dispose d'un méta-modèle qui pré-définit et donc anticipe les possibles de chaque modèle. Les règles spécifiques des modèles sont élaborées par configuration de méta-règles génériques du méta-modèle, il est donc possible de prévoir un cadre commun a priori pour articuler les règles spécifiques configurées pour chaque contexte a posteriori.

Nous nous inspirons pour cela de notre expérience dans un autre contexte, en ingénierie documentaire (cf Scenari). L'idée que nous avons développée est qu'un méta-modèle suffisamment générique permet de factoriser des primitives (des fonctions typiques) que l'on peut assembler selon les besoins et, dans la mesure de ce qui est prévu, adapter à son contexte (Arribe, 2012).

À noter que la notion de modèle convoquée ici l'est au sens d'une formalisation qui permet d'instrumenter, c'est à dire d'être l'instrument qui permet de résoudre le problème que l'on aura identifié. Les modèles ne sont donc pas des représentations descriptives "fidèles" à la réalité (si cela peut avoir un sens), mais des représentations qui permettent d'agir en conformité avec ses objectifs (comme la carte n'a rien d'autre à voir avec le territoire que ce qui est nécessaire pour s'y déplacer, ou mener toute action pour laquelle elle est faite). On trouvera une description de ce principe instrumentaliste dans Pourquoi notre sémantique naïve n'est pas formalisable et pourquoi c'est (presque) sans conséquence sur l'ingénierie ontologique (Declerck et Charlat, 2014) et dans Arts et Sciences du numérique : IC et critique de la raison computationnelle (Bachimont, 2004).